Qu'est-ce que le ghettossori? Réflexion de la psy

Jun 04, 2025

Par Dre Lory Zephyr, psychologue spécialisée en santé mentale maternelle et cofondatrice de Ça va maman

Lors d’une de mes rencontres de thérapie de groupe, nous avons discuté de l’effet des algorithmes sur notre vision de la parentalité. Une maman a alors partagé une nouvelle tendance qui se nomme le ghettossori. C’était la première fois que j’entendais parler de ce phénomène, et il ne m’en fallait pas plus pour avoir envie de découvrir de quoi il s’agit. Surtout que pour cette maman, ce contenu l’amenait à se mettre moins de pression face à la perfection souvent valorisée dans la maternité. 

Qu’est-ce que le Ghettossori?

Pour comprendre le contexte dans lequel arrive le ghettossori, il faut d’abord savoir qu’est-ce la méthode Montessori. Maria Monteressori était une médecin italienne qui pratiquait auprès des enfants. Au fil de ses expériences, elle a proposé un cadre qui suppose que l’être humain se construit par lui-même. L’adulte est donc un guide pour les enfants en développement. Dans l’approche Montessori, un accent important est mis sur l’idée de cultiver le désir d’apprendre des enfants. Plus précisément, elle propose que les enfants apprennent mieux en explorant et en expérimentant à leur propre rythme, dans un environnement préparé et adapté à leurs besoins. On y prône l’autonomie et la liberté de l’enfant grâce à l’usage de matériels axés sur le sensoriel et la pratique. Pour de nombreux parents, l’approche Montessori a aussi été de plus en plus associée à la parentalité positive et l’éducation bienveillante. Au fil du temps, l’amalgame de ces différentes visions de la parentalité sont venues avec une couche de pression et de perfectionnisme.  Et c’est ce qui semble avoir contribué à la naissance du “Ghettossori”, soit l’anti-méthode de l’approche Montessori.

Pour reprendre les mots d’un chroniqueur français:

"On a d'un côté le monde Montessori, où tout est parfait, les enfants, les parents s'entendent à merveille, vivent dans la paix, le calme et la tranquillité. À l'inverse, la vraie vie, Ghettossori, le monde dans lequel on reconnaît avoir quelques petites largesses avec les différentes injonctions". - Benjamin Muller 

L’expression ghettossori semble avoir été créée et popularisée par Jessica French Riviera une influençeuse sur Tik Tok. L’objectif serait de décomplexer et déculpabiliser les parents qui offrent une éducation dite normale ou traditionnelle. 

Si le but est bien noble, je crois que nous devons aussi réfléchir à ce besoin de trouver des étiquettes dans la parentalité. Je comprends l’idée de vouloir brandir le poing face aux injonctions qui ajoutent un poids sur les épaules des parents mais en même temps, de mon point de vue, ça contribue aussi à créer des camps, à diviser. Dans cette optique, est-ce vraiment utile ou nécessaire? Je crois au contraire que plus il y a de camps, et plus il y a de dérives et d'extrêmes. Ainsi, oui, être parent vient inévitablement avec le fait de faire des erreurs. C’est normal, et c’est sain. Il serait dommage toutefois qu’au nom d’une approche ou d’une tendance comme le ghettossori que l’on accentue ou provoque des situations pour créer du contenu. 

Et si au lieu de trouver ou d’adhérer à une étiquette, on misait sur la flexibilité et l’authenticité. La flexibilité de s’inspirer, de choisir et de s’adapter à notre contexte qui est inévitablement différent des autres. L’authenticité d’accepter qui nous sommes, comme nous le sommes, et nos enfants aussi. 

 

L’attachement: Le coeur de la relation parent-enfant

Peu importe l’approche à laquelle vous adhérez (ou que vous en ayez une ou non), ce qui se passe dans la relation entre votre enfant et vous est ce qui prime. Nous en avons parlé à travers différents épisodes de balado et notre conférence sur le sujet, l’attachement c’est le lien émotionnel spécifique que l’enfant développe à ses figures de soins. En d’autres mots, c’est la confiance que votre enfant a envers vous pour répondre à ses besoins. C’est aussi une stratégie de régulation du stress qui l’aide à réguler ses émotions. Merci à John Bowlby et Mary Ainsworth pour leur travaux qui encore aujourd’hui inspirent tant de cliniciens et de chercheurs à mieux comprendre l’importance des relations dans la vie des enfants, des adolescents et des adultes. J’inclus les adultes parce qu’on sait aujourd’hui que le patron d’attachement développé pendant l’enfance a des répercussions tout au long de la vie entre autres au niveau de l’estime de soi, des compétences sociales et émotionnelles. Il y a même un facteur intergénérationnel. 

 

 

Plusieurs éléments peuvent influencer le développement d’un attachement sécurisant ou insécurisant d’un enfant, et c’est bien-là que les amalgames sont néfastes. Les parents veulent tout bien faire….sans considérer qu’ils font déjà, dans la majorité des cas, ce qu’il faut pour nourrir positivement cette relation. C’est bien ça qui est dommage. Au-delà des étiquettes, de la pression, des techniques, des recommandations, des dogmes, nous devons rappeler (et souligner!) aux parents ce qu’il font de bien! La relation d’attachement est plus simple que ce que bien des parents pensent parce que non, la parentalité ce n’est pas une question de dire des mots précis à son enfant en crise comme peut le prétendre la parentalité positive ou l’éducation bienveillante, ni de jeter les jouets de son enfant parce qu’il ne les a pas ramassés comme le propose le ghettossori.  

La relation d’attachement nous amène à réfléchir, à observer, à nous ajuster et surtout à prendre soin de nous dans cette relation pour être disponible pour nos enfants. Et ce, peu importe les nouvelles tendances dans le domaine de la parentalité.

 

Biographie

Dre Lory Zephyr, psychologue

 

Je suis une psychologue spécialisée en santé mentale maternelle, attachement et périnatalité.

Je pratique présentement en clinique privée et j’ai pu observer au fil des années comment les mères se sentaient trop souvent seules avec leurs difficultés. C’est pour cette raison que j’ai décidé de vulgariser la santé mentale maternelle. J’ai, entre autres, écrit les livres Maman en Construction (Éditions de l’Homme, 2018)Ça va, maman? (Éditions de l’Homme, 2021) et coécrit les livres Le deuil invisible (Éditions de l'Homme 2022) et Le mythe de la mère parfaite (Éditions de l'Homme, 2025)En plus d’offrir des conférences sur mes domaines d’expertise et de former des intervenants, je suis régulièrement invitée à me prononcer sur différents aspects de la vie des mamans et des familles dans les médias. Je travaille aussi étroitement avec le laboratoire d’études sur le développement de l’enfant et sa famille (Chaire de recherche du Canada sur l’attachement et le développement de l’enfant), particulièrement pour la communication avec le public.

En rencontrant Jessika, j’ai trouvé une âme-sœur qui avait le même désir d’enfin faire une place aux mères, leurs expériences et le soutien dont elles ont besoin. Avec Ça va maman nous pouvons les rejoindre directement et les accompagner dans tout ce que la maternité peut leur faire vivre.

Psst….je suis aussi une maman ;) !

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