Le perfectionnisme et le syndrome de l'imposteur

Nov 07, 2021

Écrit par : Dr Jici Lord-Gauthier, psychologue clinicien

 

L’humain est interpellé par la perfection, c’est-à-dire par ce qui est sans défaut, complet, parfait. Nous pourrions ainsi dire que tout le monde aime la perfection, ou du moins l’idée de la perfection. Pour ce qui est du perfectionnisme à proprement parler, la définition qui est parfois donnée est celle d'une « tendance exagérée à rechercher la perfection ». Si on se laisse creuser brièvement dans la psychologie du perfectionnisme, cet enjeu deviendrait surtout un problème lorsque l’estime de soi viendrait s’y mêler. On pourrait alors imaginer le discours interne suivant : 

« Pour sentir que j’ai de la valeur en tant que personne, je dois être parfait, irréprochable, pur… »


Or, on n'aime plus seulement la perfection parce qu’elle est plaisante, belle ou satisfaisante, mais parce qu’il est question de sa propre valeur en tant qu’humain. La dynamique du perfectionnisme s'opère alors par des exigences élevées tendant à un idéal excessivement positif et par une critique ou un rejet de toute partie de soi n'entrant pas dans cet idéal irréaliste.


Par contre, il faut noter que tout le monde qui aime la perfection n’est pas pour autant perfectionniste. Une personne qui est consciencieuse a des standards d’excellence mais ceux-ci demeurent réalistes, flexibles et dosés. Aussi, elle accepte de faire des erreurs et sait se mobiliser de façon correspondante pour trouver des solutions. 


Quant au syndrome de l’imposteur, il s’agirait d’un ensemble de difficultés gravitant autour d'un doute de soi excessif au point d’avoir de la difficulté à reconnaître, à s’approprier et à intégrer ses propres accomplissements, forces et qualités. En conséquence, lorsqu'on se compare aux autres, on se dévalue constamment, on a l’impression de ne pas être normal ou d’être moindre, on croit que l’on a été seulement chanceux jusqu’à maintenant, ou bien que les autres possèdent une qualité qui demeure pour nous inaccessible. Et finalement, on vit silencieusement dans la peur d’être un jour démasqué dans notre (pseudo) imposture.

Selon une étude récente, jusqu’à 82% des gens auraient le sentiment profond d’être des imposteurs.

 


Le syndrome de l’imposteur peut être vu comme le « meilleur ami » du perfectionnisme. En effet, ce duo très commun entraîne une impasse qui s'exprime selon la logique suivante : « J’ai besoin de vivre des succès pour être fier de moi et nourrir mon estime (perfectionnisme), mais je n’arrive pas à m'approprier mes succès (syndrome de l’imposteur), ce qui fait que mon estime de soi ne peut pas se développer pleinement. »


Cette logique a pour conséquence un piège où l'on doute continuellement de ses accomplissements, de sa propre estime de soi et de sa compétence personnelle, malgré les preuves, les validations et les accomplissements. En théorie, ceci devrait au contraire aider à soutenir et renforcer une estime et une confiance en soi réaliste et durable.


Déjouer le perfectionnisme et le syndrome de l’imposteur, cela ne signifie pas accumuler avidement les succès ou accomplir encore plus. Ce n’est pas non plus tendre encore mieux à la perfection. C’est plutôt sortir du piège dictant que pour avoir de la valeur à ses propres yeux et aux yeux des autres, il faille réaliser quelque chose qui est extérieur à soi (p. ex. le travail, le succès). La valeur est déjà là, en soi, peu importe ce que nos propres pensées, les paroles des autres, ou alors les pressions de la société peuvent nous renvoyer comme image troublée. Or, déjouer le perfectionnisme et le syndrome de l'imposteur, c’est apprendre à avoir moins honte et peur des parties imparfaites de soi, voire à les accepter et les aimer pour ce qu’elles sont. C’est ici que nous introduisons la notion de l’imperfectionnisme.


Devenir un.e imperfectionniste, c’est être et accepter d'être suffisamment bon ou suffisamment bonne. À titre d'exemple, ça peut être d’embrasser le fait d’être continuellement en apprentissage, de valoriser le fait d’être consciencieux plutôt que perfectionniste, d’être capable de sortir de notre zone de confort pour essayer de nouvelles choses, ou bien de se rappeler consciemment et régulièrement de nos bons coups par le passé… Et le plus important dans tout ça, en conclusion, c'est d’adopter une attitude plus bienveillante envers soi-même : de reconnaître que nous sommes parfaitement imparfait.e.s.


Bibliographie


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