La frustration chez l'enfant et la pression parentale

Par Valérie Perreault, psychologue

L'agressivité chez l'enfant

Le tempérament d’un enfant influence ses réactions affectives (ex. irritabilité, anxiété, humeur), motrices (ex. agitation motrice), cognitives et sociales (ex. timidité). Certains jeunes ont un tempérament plus chaud ou sensible. Ceux-ci sont plus susceptibles d’adopter des conduites externalisées lorsqu’ils sont confrontés à des situations qui dépassent leurs capacités adaptatives. La bonne nouvelle, c’est que s’il y a un comportement d’ordre agressif, il y a une frustration sous-jacente, et donc, un contexte. On peut ainsi manœuvrer sur certaines variables, ne serait-ce qu’en lien avec notre propre réaction face à l’enfant.

La société a assurément tendance à poser un regard sur les enfants qui ont des comportements décrits comme agressifs et à le refléter aux parents. Ces derniers sont alors souvent aux prises avec une pression de « régler » la situation. Ils reçoivent souvent de nombreux conseils de « contrôle des comportements », qui ne font parfois qu’amplifier les problèmes.

On entend moins parler du sens de l’agressivité, ce qu’elle transporte et peut signifier sur le plan psychoaffectif.  Avoir envie de frapper ou une explosion de colère, ça arrive en général quand les choses ne se passent pas comme on le souhaiterait. C’est aussi simple que cela : l’enfant se sent frustré par une ou plusieurs choses, que ce soit une perception ou non. Par exemple, il arrive souvent qu’on rencontre un enfant qui change de fonctionnement depuis plusieurs semaines (ex. insiste auprès des autres enfants sans arrêt, bouscule les autres, ne veut plus attendre son tour, frappe). Les adultes sentent alors une pression de devoir constamment l’encadrer (« non »/ « arrête »). En réaction, c’est possible qu’il arrête momentanément les comportements s’il possède un niveau suffisamment développé d’auto-contrôle, mais le moteur initial de la frustration demeurera tout autant présent. C’est donc aussi possible que le comportement reprenne quelques secondes plus tard, car l’enfant n’arrive pas à faire autrement avec les moyens dont il dispose.

Une conception populaire vise à adresser la manifestation, en voulant l’éteindre directement. On utilise alors des systèmes visant l’élimination du comportement de frapper par exemple. Et, hop, on se retrouve dans une spirale où plus on adresse l’agressivité directement, plus on la consolide. Car bien souvent, l’enfant n’aura pas tous les outils développementaux pour être en mesure d’accepter l’intervention sans s’en « défendre » d’une autre manière. Notre réponse à son comportement pourrait engendrer une frustration encore plus grande. Et même si l’enfant cesse de frapper momentanément, il n’a pas trouvé une voie alternative à son émotion qui, elle, trouvera un autre chemin. Alors qu’en réalité, on pourrait chercher à mieux comprendre la source de l’instinct agressif qui se présente.

Comment intervenir

Il n’y a pas d’intervention comportementale qui soit « bonne » pour tous les enfants, comme un one size fit all. Ce qui fonctionnera pour un pourrait amplifier une réactivité chez un autre enfant qui a des besoins affectifs autres. C’est souvent par la voie de la sécurité affective ou la réduction des frustrations d’attachement qu’on peut réussir à apaiser la situation. Chaque enfant sera sécurisé de manière différente et cette manière évolue dans le temps selon le stade développemental de l’enfant. L’enjeu, c’est donc la synchronie : cela ne veut en aucun cas dire que les parents ne font pas bien. Certains enfants ont des besoins tout à fait particuliers, et difficiles à interpréter. C’est une manœuvre délicate d’intervenir à leur service.

L’agressivité est une forme d’extériorisation qui permet à l’enfant d’exprimer qu’il est frustré de quelque chose. Plutôt que de chercher à bloquer l’agitation, on peut se demander comment prendre soin de cette manifestation? Comment se positionner différemment dans la relation? Comment trouver d’autres chemins de soulagement, de compréhension, d’adaptation ou d’expression? Il n’est pas du tout question de donner à l’enfant tout ce qu’il souhaite, ce ne serait pas de lui rendre service.

Le problème, et où cela se complique, c’est que l’enfant ne sait pas toujours ce dont il a besoin. Et souvent, le jeune enfant ne fait pas les liens entre ce qui le frustre et son agitation, tout simplement parce qu’il est trop petit pour le conscientiser. Parfois, ce sera la symbolique qui nous aidera à comprendre. Notre regard d’adulte fait souvent un lien avec l’événement précédant immédiatement une manifestation de colère. Par exemple, si un élève en tape un autre parce qu’il a pris son lego, d’intervenir sur le fait de s’excuser ou autre pourra apprendre une habileté sociale ou les limites à respecter. Mais qu’en est-il s’il porte une frustration plus large? Qu’en est-il s’il avait plutôt besoin d’un contact affectif d’un adulte? Si on le met en retrait, si on intervient sur les bons choix, si on lui donne pour conséquence de jouer seul, on enclenche le cercle vicieux et on s’éloigne du but. Des recherches montrent d’ailleurs que d’être empêché de se rapprocher d’une personne significative est l’un des moteurs principal d’agressivité chez les enfants. C’est exactement au moment où l’enfant se sent vulnérable, émotif, qu’il devrait apprendre à rechercher une personne significative pour l’aider à comprendre, mettre des mots nuancés sur ce qui l’habite et arriver à mieux supporter ce qui le frustre. C’est déjà une belle piste…

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Biographie

Valérie Perreault a complété son doctorat à l’Université de Montréal, en se spécialisant dans les troubles anxieux et plus spécifiquement dans le trouble obsessionnel compulsif. Aujourd’hui, elle est psychologue auprès d’une clientèle présentant une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme et des troubles du comportement. Elle a également contribué à l’implantation d’un modèle d’intervention en délinquance chez des adolescents en centre de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme. Elle a aussi une expérience dans le domaine des troubles de la personnalité. Maman de deux enfants, elle porte un intérêt grandissant aux enjeux de santé mentale entourant la parentalité.